L'institut d'études Xerfi vient de dévoiler sa dernière étude intitulée « Les nouveaux défis de la restauration – Perspectives à 2030, recomposition concurrentielle et leviers de croissance ». Celle-ci révèle qu'après une décennie de forte croissance, la dynamique de la restauration s’essouffle : la fréquentation recule, sous l’effet des tensions sur le pouvoir d’achat et de la hausse des coûts. Le parc de restaurants traditionnels devrait même se contracter, avec une baisse estimée à 0,5 % en 2025. Depuis 2022, le marché subit un double choc entre la hausse des procédures collectives et la chute des créations d’établissements depuis fin 2024. La croissance de la restauration commerciale estimée à près de 88 milliards d’euros en 2024 restera modérée d’ici 2030 : 0,7 % par an pour la restauration à table, 3,4 % pour la restauration rapide, essentiellement tirée par les prix et la livraison.
La fracture générationnelle rebattant les cartes, les jeunes font évoluer les standards : aller au restaurant n’est plus une occasion exceptionnelle mais un réflexe du quotidien. Ils privilégient rapidité, praticité et prix accessibles, tandis que livraison et vente à emporter deviennent des incontournables portés par Uber Eats et Deliveroo. Les plus de 45 ans, eux, restent attachés à une consommation plus festive et occasionnelle. Cette divergence oblige les enseignes à repenser leurs modèles pour répondre à des attentes de plus en plus contrastées. La restauration française est ainsi entrée dans une nouvelle ère, où le temps des ouvertures massives et des concepts universels est révolu. À l’horizon 2030, le succès reposera moins sur la taille des réseaux que sur leur capacité à innover, cibler et optimiser. Face à la hausse des charges et à la pénurie de main-d’œuvre, les acteurs misent sur la digitalisation avec bornes et paiements dématérialisés, sur la livraison, la vente à emporter, la simplification des cartes ou l’élargissement de l’offre végétale. L’expansion se poursuit en zones périurbaines et rurales, là où les opportunités demeurent, dans un marché désormais saturé. Les stratégies « multidaypart » se multiplient pour capter tous les moments de consommation, tandis que les positionnements clivants — halal, vegan, terroir — deviennent des leviers forts de différenciation. Si la restauration rapide résiste mieux, portée par des prix compétitifs et par la livraison, son rythme de croissance a toutefois été divisé par trois par rapport à 2015-2020. Les indépendants apparaissent les plus fragilisés tandis que les grands groupes renforcent leurs positions : McDonald’s frôle les 1 600 établissements pour six milliards d’euros de chiffre d’affaires, Burger King dépasse 540 points de vente et Quick, repositionné sur le halal, vise 300 restaurants d’ici 2028. Les chaînes pèsent désormais 40 % du chiffre d’affaires de la restauration rapide. Les petites enseignes spécialisées, comme Pokawa, Copper Branch ou O’Tacos, devraient cependant sortir grandes gagnantes de la recomposition du marché. Leurs concepts différenciants (healthy, vegan, terroir ou halal) rencontrent une demande de plus en plus fragmentée. À l’inverse, la restauration traditionnelle peine à redresser la barre : Flunch ne parvient pas à retrouver son modèle malgré un plan de modernisation de 100 millions d’euros, et La Pataterie est passée de 220 établissements en 2010 à une trentaine aujourd’hui. Quelques acteurs tirent néanmoins leur épingle du jeu, à l’image d’Hippopotamus, repositionné en steakhouse premium, ou de Bistro Régent.

