![[Bilan] Convention Food Tendances 2025](/wp-content/uploads/sites/4/2025/05/TR_454_HD_Page_19_Image_0001.jpg)
Le 8 avril 2025 se déroulait la quatrième édition de Food Tendances, la convention Tendances Restauration des chaînes et groupes. Retour sur une journée riche en échanges…
Lucas Jollivet avec Pascale Benhaïem-Komlos
La matinée débute par les résultats – en avant-première –, du très attendu Panorama des Chaînes 2024. Fort des témoignages de 260 chaînes et de plus de 80 dirigeants d’enseignes, le Panorama Tendances Restauration fait état d’une croissance de CA des chaînes et groupes de 5,5 % en valeur, en baisse par rapport à 2023 (+9,2 %) et principalement portée par l’effet d’ouvertures.
Florence Berger, directrice associée Food Service Vision, et Justine Graziano, manager conseil, opérateur de restauration Food Service Vision, sont revenues sur les grandes transformations du marché des chaînes de restauration entre 2019 et 2024. Malgré un contexte complexe marqué par la pandémie ou l’inflation, le marché a atteint 25 milliards d’euros en 2024, soit une croissance de 31 % en cinq ans. Cette dynamique est notamment due à l’ouverture de 21 % de points de vente supplémentaires. Malgré une croissance du nombre de points de vente, la fréquentation a baissé de 12 %. « Il y a bien une évolution positive du chiffre d’affaires par point de vente, mais celle-ci est portée par une hausse du ticket moyen qui est plutôt le reflet de l’impact de l’inflation », analyse Florence Berger.
Le top 5 des groupes de restauration, qui représentait 50 % du marché en 2019, voit sa part légèrement diminuer, pour faire place à de nouveaux acteurs émergents. En 2024, 619 nouveaux points de vente ont vu le jour, dont 20 % de restaurants halal.
Face à une concurrence accrue, les enseignes misent sur différentes stratégies : stratégie de prix attractifs, d’innovation produit, ou encore d’implantations ciblées. « Les zones de flux, gares, métros et les centres commerciaux surperforment avec une croissance d’environ 2 % quand les périphéries et les centres-villes sont en négatif », conclut Justine Graziano.
LA CUISINE DU MONDE EN PLEIN BOOM
Parmi les tendances food de ces dernières années, l’essor des cuisines du monde. Outre les recettes italienne, méditerranéenne ou asiatique, d’autres spécialités culinaires gagnent en notoriété, à l’instar de la gastronomie libanaise ou africaine. Pour Florence Le Bras (METRO), cette tendance est bien plus qu’un effet de mode : « La cuisine du monde est une des grandes tendances structurelles que nous avons intégrées dans notre stratégie de l’offre. » Un constat appuyé par une étude menée avec le cabinet CATE Marketing, qui a permis d’identifier 27 cuisines majeures dans le paysage français !Timothée Loizeau, directeur marketing chez Bertrand Franchise, confirme la montée en puissance de ce segment. « Sur les dix enseignes que nous pilotons, sept sont issues de la cuisine du monde. Quand les clients vont au restaurant, ils veulent vivre une expérience différente de celle qu’ils ont à la maison. Se faire un pad thaï ou des sushis chez soi, c’est plus compliqué qu’un poulet frites », explique-t-il.
Chez Noura, Ziad Bou Antoun revient sur les débuts de l’enseigne créée par ses parents, spécialisée dans la cuisine libanaise : « À l’époque, les consommateurs avaient un peu peur du partage. Alors mes parents ont imaginé des assiettes toutes faites, avec plusieurs plats et un prix défini. » 35 ans plus tard, l’enseigne propose toujours des spécialités du pays du Cèdre : « Tout est fait maison dans deux laboratoires situés en périphérie de Paris. Nous avons même une boulangerie, une pâtisserie, une boucherie. » Un modèle intégré, gage de qualité, qui permet aujourd’hui à Noura d’envisager un développement en franchise. Quand on parle de burger, on pense forcément à la food américaine. Pourtant, Laurent Kalala mêle ce produit tant aimé aux saveurs africaines dans son concept Bomaye. Cet entrepreneur issu du marketing est d’abord allé interroger des passants dans la rue pour connaître leur vision de la cuisine africaine. « On nous disait qu'elle était trop grasse, trop pimentée, communautaire. Alors nous avons choisi le burger, un produit universel, et l’avons fait fusionner avec nos saveurs. », l’idée étant d’utiliser les sauces phares des cuisines ivoirienne, sénégalaise ou congolaise. Fort de ce succès, deux nouvelles ouvertures sont prévues d’ici 2026. Enfin, dernière tendance du monde qui explose, celle du poulet frit. Sur ce segment, le groupe Bertrand Franchise vient de lancer Chik’Chill, en partenariat avec le chef Mohamed Cheikh. « Mohamed voulait rendre la cuisine de chef accessible à tous. Il s’est investi dans ce concept de street food en apportant ses influences méditerranéennes et ses souvenirs de voyages », rapporte Timothée Loizeau.
RSE, DES PAROLES AUX ACTES
Si le sujet RSE était peu considéré il y a une décennie, il devient aujourd’hui crucial pour les enseignes comme pour les industriels. Bertrand Fleho (Winterhalter) mettait en avant l’ergonomie de ses lave-vaisselles professionnels, conçus pour limiter les arrêts maladies liés aux troubles musculo-squelettiques (TMS), tout en réduisant la consommation d’eau et en assurant une durabilité des équipements. « 98 % de nos machines sont conçues avec des matériaux valorisés, revalorisés », ajoute-t-il. Chez Rational, l’accent est mis sur les équipements multifonctions et intelligents, capables de produire plus tout en consommant moins, avec une économie d’énergie pouvant atteindre 40 % et une recyclabilité de 95 %. Du côté des enseignes, les démarches RSE sont aussi légion. Big Mamma a été précurseur dans la restauration en obtenant la certification B Corp dès 2018, et a poursuivi son engagement en devenant société à mission : « Cela crée une boussole additionnelle qui nous permet de ne pas nous écarter de nos objectifs », estime Bérengère O, hospitality expert. Cela passe par un sourcing plus local, une logistique repensée et une sélection stricte des fournisseurs via une charte d’engagement. Au sein du groupe 3 Brasseurs, l’engagement social fait partie intégrante de la culture d’entreprise. Labellisée Great Place to Work en 2023, l’enseigne va plus loin en aidant ses collaborateurs à devenir franchisés et en repensant ses recettes de manière plus durable en intégrant par exemple des produits végétaux, à l’image du portobello, ce champignon de Paris qui remplace la viande. De son côté, Bertrand Franchise, qui regroupe dix enseignes aux profils très variés, mise sur une approche progressive : « La durabilité, c’est aussi inscrire des enseignes dans le long terme » explique Muriel Reyss. Cela se traduit, ici aussi par une cuisine de saison et une végétalisation progressive des assiettes. Des objectifs concrets sont déjà en place, notamment chez Burger King qui vise une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre par restaurant à l’horizon 2030.
COMMENT BOOSTER LE BUSINESS ?
Le marché de la restauration évolue aussi avec l’arrivée du numérique qui s’impose comme un puissant levier pour booster le business des enseignes. Comme le rappelle Laura Stagno (Lightspeed), « ce virage digital peut faire peur bien qu’il soit nécessaire : il est en effet synonyme d’investissements, de changements de pratiques, et implique une bonne maîtrise des outils. » Chez Areas, Charles Dassonville insiste sur la nécessité d’adaptation. « Nous avons développé des outils variés : QR codes, étiquettes électroniques, auto-encaissement…Les bornes de commande sont très efficaces dans certains lieux aux flux importants, comme Center Parcs. » Les commandes digitales représentent déjà chez Areas 15 % du chiffre d’affaires, avec un objectif de 30 % d’ici 2029. Du côté d’Eat Salad, Maxence Brouard a centré sa stratégie sur la donnée client : « Nous analysons qui vient, à quelle fréquence, ce qu’il consomme, et ça nous sert à fidéliser le consommateur. »
Un exemple efficace : un QR code incitant les clients à laisser un avis Google contre une chance de gagner un dessert ou une salade. En trois mois, cette initiative a permis de collecter 24 000 nouvelles données clients, ensuite utilisées pour une campagne SMS ciblée au fort retour sur investissement.
Chez Areas, les robots s’invitent même en salle, notamment dans les restaurants buffets des Center Parcs. « Ils aident nos équipes à débarrasser, en transportant jusqu’à 1,5 tonne de vaisselle par mois. Finalement, cela soulage les équipes et amuse les clients », explique Charles Dassonville.
Canal+ Business, de son côté, propose aux bars et restaurants de diffuser du sport en direct comme levier d’animation, avec business à la clef : foot, rugby, F1… « Cela attire du monde, surtout en semaine, et booste les ventes », précise Sylvain Luna. La différence entre un bar qui diffuse du sport et un bar qui n’en diffuse pas, c’est 34 % de consommation de bière en plus. » Enfin, Les Bistrots Pas Parisiens développent leur propre système d’application de réservation, de commande et de paiement.
« Le client peut tout faire lui-même s’il le souhaite, et cela libère du temps pour le personnel, qui peut alors se concentrer sur l’accueil et l’expérience », constate Hakim Gaouaoui.
LE SNACKING DANS TOUS SES ETATS
C’est le thème du snacking qui a conclu cette journée riche en échanges. Avec une croissance de 33 % ces cinq dernières années selon Food Service Vision, le snacking est l’un des segments les plus dynamiques de la RHF, surtout grâce aux points de vente physiques qui représentent 99 % de cette évolution. Le marché génère aujourd’hui entre 11,6 et 15,5 milliards d’euros. Dans ce contexte, les boulangeries se positionnent comme les nouveaux concurrents des chaînes de burgers, avec un gain d’1,4 milliard d’euros en cinq ans. Face à cet essor du snacking, les industriels adaptent leur offre. Ainsi St Michel Professionnel développe des gammes dédiées au snacking en CHR avec notamment des petites madeleines salées pour les encas de fin de journée. L’entreprise va maintenant plus loin comme le rappelle Audrey Motte : « Chez St Michel, nous n’avions pas la technologie, nous avons donc choisi d’intégrer la société American Desserts qui est spécialiste du snacking à l’américaine (cookies, muffins…) mais fabriqué en France avec des valeurs et des qualités de produits qui sont sensiblement similaires aux nôtres. »
Côté snacking, les visions divergent sur la façon de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Des enseignes comme les boulangeries Feuillette ont profité de la crise du Covid-19 pour devenir des lieux de vie à part entière : « Le snacking représente aujourd’hui 50 % de notre chiffre d’affaires, remarque Jean-François Feuillette. Nous devenons vraiment des acteurs à part entière de la restauration rapide et le snacking prend de plus en plus d’ampleur. » Certains acteurs soulignent néanmoins les obstacles qui peuvent freiner le développement de l’offre snacking, en particulier le coût, la logistique, et la conservation des produits.
Un autre sujet qui divise : la montée en gamme du snacking. Certains y voient une opportunité de répondre à la demande croissante pour des produits plus sains, faits maison et responsables. C’est le cas de Nachos : « Nos produits de qualité viennent concurrencer les restaurants plus traditionnels, ce qui nous permet de prendre des parts de marché. Nous sommes un concept d’inspiration mexicaine, avec la particularité de travailler avec des viandes françaises et de fabriquer tout ou quasiment tout sur place. Nos cuisines sont ouvertes, nous cuisons, nous sommes livrés quotidiennement en fruits et légumes, nous écrasons nos avocats pour faire notre guacamole, nos haricots mijotent toute la nuit. C’est pour cela que nous nous définissons comme un établissement de snacking sain. » « Les clients veulent du frais, du fait maison, mais aussi du rapide et de l’accessible », corrobore Julien Perret (BCHEF). Mais d’autres avertissent qu’il est facile de perdre son identité en essayant de viser à la fois haut de gamme et volume. Une tendance forte qui marque ce marché dynamique est donc cette montée en gamme des produits, mais aussi la manière dont les enseignes communiquent sur ce qu’elles vendent. Plusieurs intervenants ont souligné un décalage entre le discours marketing des enseignes et la réalité des produits. « Les enseignes font souvent croire à un produit fait maison ou de qualité supérieure, alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas », poursuit Julien Perret. Le marketing, bien que bien rodé, peut être trompeur… « Je crois néanmoins qu’il y a de la place pour tout le monde dès lors que chacun sait précisément à quel segment il veut s’adresser, conclut Alexandre de Suzzoni chez Stef. En fait, si on prend l’exemple des boulangeries Feuillette, Jean-François Feuillette a réussi en faisant un choix assez premium. Une autre enseigne comme Marie Blachère a fait un choix différent, mais parfaitement assumé et exécuté, avec une offre beaucoup plus économique, promotionnelle… Et donc le consommateur s’y retrouve. Là où ça ne marche pas, c’est quand ce dernier ne trouve pas une réponse claire par rapport à la promesse… »
TROPHÉES DES CHAÎNES 2024
PRIX DU MEILLEUR CONCEPT REVISITÉ
La Pataterie
Lauréate du Prix du meilleur concept revisité, La Pataterie incarne le renouveau d’une enseigne historique. Sous l’impulsion de Laurent Gillard, CEO de La Pataterie, le concept a été modernisé tout en valorisant la singularité de son produit phare.
« Nous refilialisons l’enseigne avec un concept d’exploitation un peu novateur où nous associons des restaurants au capital. Avec l’objectif de les faire grandir capitalistiquement. »
Le décor a été entièrement repensé par Where is Brian Design : « Nous avons apporté un élément important, explique Elodie Rondelet, qui est la lumière. Les nouveaux restaurants sont aérés, on peut circuler. L’espace est plus cosy, avec de beaux luminaires, des chaises garnies, pour toujours plus de confort client… »
TOP 4 DES MEILLEURES CROISSANCES
La Brigade
Avec une stratégie articulée autour du marketing, de l’excellence opérationnelle et du rapport qualité-prix, La Brigade s’impose comme un acteur en forte croissance. « Édouard Katz, mon associé, a révolutionné notre communication en revenant aux basiques », explique Tristan Clemençon. Résultat : 150 000 followers et une forte visibilité en ligne.
En 2024, l’enseigne a fait le choix fort de ne pas augmenter ses prix malgré l’inflation. Résultat : une progression de plus de 20 %.
BO&MIE
2024 a marqué un tournant pour BO&MIE, qualifiée d’ « année charnière » par sa co-fondatrice Magalie Szekula. Grâce à un nouveau laboratoire de production, l’enseigne a pu accélérer son développement, avec l’ouverture de deux boutiques en entreprise via Sodexo, et d’une cinquième unité parisienne rue de Rivoli.
L’international prend aussi de l’ampleur avec une première implantation à Djeddah, en Arabie saoudite, qualifiée de « très prometteuse ».
Et l’élan continue : « Nous avons ouvert à Séoul en février, et nous poursuivons notre expansion en France, avec une nouvelle implantation sur les Grands Boulevards. »
CLUB CAFÉ
Club Café poursuit son expansion autour d’un café de qualité et d’une offre salée et sucrée pensée pour toute la journée, doublée d’un excellent rapport qualité-prix. « Nous avons plus que surfé sur la tendance : Club Café a démarré il y a 20 ans à Lille, bien avant que le marché du coffee shop n’explose », déclarent les fondateurs Nicolas Mouche & Geoffrey Hahn. Aujourd’hui troisième acteur du secteur en France, l’enseigne se développe en multiformats — centres-villes, centres commerciaux, travel retail — avec de « très bonnes performances ». Son ambition : doubler la taille du réseau dans les trois prochaines années.
GALLIKA
Pensée pour s’adapter aux quartiers de bureaux, l’enseigne de cuisine grecque Gallika se positionne comme « la cantine de ceux qui n’ont pas de cantine », ouverte uniquement le midi en semaine. Depuis dix ans, Gallika défend une approche exigeante, « avec une offre très juste sur le rapport quantité-qualité-prix » et une production maison, jusqu’au dressage. Le développement se veut quant à lui raisonné : « Nous nous développons en bons pères de famille, précisent les fondateurs Julien Gantheret et Jean-Philippe Selle. Dix ans après, les clients continuent à nous faire confiance, et ça, c’est notre plus belle réussite ».