En ces temps de crise sanitaire et économique, et dans le cadre de la préparation du Panorama B.R.A. qui sera publié en mai et juin, nous proposons des témoignages de dirigeants de groupes de restauration sur la situation. Sentiment général, actions mises en place, stratégies prévues pour le déconfinement… Les patrons se livrent à leurs confrères et partenaires via B.R.A. Tendances Restauration (découvrez la liste des articles parus).
>> Aujourd’hui, échange avec… Pierre Guéret, pdg de Maison Guéret 1980 (10 établissements à Rouen fin 2019 et 10,4M€ de CA en 2019 ● source Panorama B.R.A. 2019)
¤ Quel est votre sentiment personnel sur cette crise?
«Je suis encore un peu étonné du décalage entre la radicalité des mesures paralysant les économies et l’impact réel du Covid-19. Il y a certes un grand nombre de morts, mais qui ne semble pas plus important que pour la grippe classique, le tabac ou l’alcool. La cacophonie médiatique, les couacs politiques, les polémiques médicales et les réseaux sociaux amplifient l’angoisse…»
¤ Quelles conséquences prévoyez-vous pour l’économie?
«Elles sont et seront multiples :
♦ Il y a un impact immédiat avec le confinement et la fermeture des établissements, mais aussi la fermeture des frontières. Le retour à la confiance sera lent, et tout le monde ne rouvrira pas.
♦ S’en suivra une crise économique et financière : on n’arrête pas l’économie mondiale pendant 3 mois sans conséquences… Les milliards engloutis pour la survie des entreprises sont perdus. Enfin, pas tout à fait : ils sont écrits au passif des États et des entreprises, les endettements massifs n’ayant servis qu’à financer une charge, et non à couvrir un investissement… Il y aura donc, d’ici quelques mois, une vague de fermetures d’entreprises ne pouvant pas faire face aux remboursements de prêts (notamment le PGE).
♦ Cet endettement risque de pénaliser l’investissement productif, pénalisant la croissance…
♦ Il y a, en outre, cette question que tout le monde se pose : qu’est-ce que cette crise changera dans les comportements des consommateurs à terme ?»
¤ Qui du secteur de la restauration? Qu’envisagez-vous pour son avenir?
«C’est compliqué à dire… Nous observerons peut-être un renforcement des filières locales, de la proximité. Peut-être aussi une méfiance accrue envers les produits manufacturés et alimentaires venant d’Asie. Pour sûr, la ‘ gamelle’ fera son retour, avec des produits frais et sains. Les consommateurs auront (re)découvert qu’ils peuvent et savent cuisiner, et y auront peut-être pris goût. Autre conséquence potentielle, à plus long terme pour les restaurateurs : si le télétravail s’impose massivement après le confinement, les centres-villes et certaines zones risquent de se vider de leurs clients. Tout cela peut bouleverser davantage encore notre secteur…»
¤ Quelles conséquences ont et auront cette crise sur vos activités?
«Outre l’impact direct sur notre trésorerie pendant le confinement, la période de relance risque d’être compliquée… Et j’ai bien peur d’une baisse de fréquentation l’hiver prochain, au moindre signe de grippe! L’impact est à la fois incalculable et durable. Tout sera très volatile tant qu’il n’y aura pas de vaccin. La moindre annonce risque de nous faire replonger. Nous maintiendrons l’ouverture de notre nouveau lieu de vie Blotti, prévue avant l’été et repoussée à l’après-confinement. Mais, étant donné ces incertitudes et le niveau d’endettement qui augmentera à cause des nouveaux prêts permettant de passer le cap au niveau de la trésorerie, nous gèlerons tous les projets, pour nous consacrer à la gestion des affaires existantes, le temps que l’horizon se dégage. Le pire scénario serait une reprise en W. Pour voir les choses plus positivement, il est aussi possible que tout cela renforce les liens. Naturellement, les gens se rassemblent. Cette période, si étrange soit elle, nous permettra peut-être de prendre conscience de l’importance des liens. Nous retrouverons nos clients avec une immense joie, et l’inverse sera peut-être vrai (espérons-le !).»
L’impact est à la fois incalculable et durable.
¤ Comment comptez-vous relancer votre business?
«Nous étudions différents modes de distribution, comme le click & collect, le service traiteur et la livraison ; dans l’optique de nous adapter, dans un premier temps, à la période de déconfinement. Nous devrons ensuite suivre les éventuels changements de comportements. En attendant, nous avons créé un groupe Whatsapp avec les directeurs, pour échanger et prévoir au mieux la suite de nos activités. Nous prévoyons de rédiger une sorte de ‘Guide des bonnes méthodes’. Nous devrons être exemplaires en termes de sécurité et de confiance, tant vis-à-vis des clients que des équipes. Nos communications commerciales iront bien sûr dans ce sens. En écho aux conséquences générales de cette crise, nous nous concentrerons naturellement vers l’essentiel, le vrai, le sincère… Et je crois qu’il y aura, à terme, une prime pour ceux qui iront réellement dans ce sens.»
Propos recueillis et mis en forme par Anthony Thiriet
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